« L’accès à l’internet permet d’être au diapason de ce qui se passe dans le monde, et, avec la multitude de sites, l’internaute s’informe, apprend, se divertit, communique à volonté. N’eut été les désagréments de l’électricité qui bousille parfois les machines, le créneau serait vraiment excellent. » Ainsi s’est exprimé Baye Bass qui tient avec l’aide de trois assistants, un Cyber service très fréquenté au niveau du carrefour 28 de la ville. El-hadji Nd, lui, gère un cyber de 8 machines, des pentiums 4, à quelques encablures de Baye Bass. Une enseigne lumineuse renseigne aussi qu’il fait de l’initiation et des cours de renforcement pour certains modules. Une manière selon lui de retenir sa clientèle. Une tasse de café Touba bien chaud et sucré participe à fidéliser la clientèle.
Avec l’être cher les yeux dans les yeux
La salle, de dimension modeste, n’est ni ventilée, ni climatisée, mais des clients assis sur des chaises attendent leur tour. Deux jeunes jouent sur un écran, très concentrés. L’un d’eux lève la tête pour me regarder ; j’appris plus tard qu’il se nomme Daouda Sène et est âgé de 16 ans, il est plus jeune que son voisin qui ne quitte pas l’écran des yeux. Il m’apprit qu’il est élève à Dakar, et qu’il est venu en vacance chez sa grand-mère. Ibou son compagnon, lui, habite Touba, il fait le commerce à la boutique de son oncle sis au marché Ocass.
Daouda me confie qu’il vient au cyber pour communiquer avec ses amis restés à Dakar mais aussi pour apprendre à son cousin Ibou comment surfer sur le net. Ce dernier suit les manœuvres de son cousin et n’hésite pas à acheter des heures de connexion. Nafissatou, élève au lycée de Mbacké, vient de réussir au Bfem. Elle est aussi une adepte du NET. Je l’ai trouvée au cyber d’un grand centre commercial en allant vers la gare routière. Elle m’apprend qu’elle a pris un abonnement de 10heures par semaine et vient ici pour décompresser, pour se relaxer. Elle suit une pièce de théâtre sur You tube, un site très fréquenté par les jeunes.
Pour El hadji, les abonnements sont plus intéressants que les tickets d’une heure car l’heure se vend à 300 francs et c’est le même tarif dans tous les cybers. Une centaine de mètres plus loin, c’est la salle de Moustapha dit « Teuf » qui gère 12 machines. Ici comme dans les autres Cyber, on n’est très vite frappé par l’écriteau bien en vue « Interdit d’ouvrir les sites pornographiques ». Et les gérant, par peur de représailles d’une dahira agissant souvent comme une brigade des mœurs avec l’appui des religieux, des services de police et de la gendarmerie, sont très vigilants. Teuf nous informe que les clients de tout âge fréquentent les cybers mais le soir constitue l’heure de rush. Après le marché, les jeunes viennent télécharger des clips de vidéos et des sonorités. Les événements comme le grand Magal et le Kazou Rajjab, leylatoul Khadry entre autres, attirent les étrangers, les journalistes et nous profitons bien de cette aubaine pour fonctionner jusque tard dans la nuit. Les cours aussi sont des moyens de gagner un peu plus et c’est d’ailleurs avec cela que je me suis procuré un groupe électrogène et aujourd’hui, je ne le regrette pas, révèle Teuf.
Ce sont les clients qui vous demandent de leur enseigner la manipulation de l’outil informatique. Pour ne pas trop verser dans l’informel, je propose 2, 3 voire 6 mois de formation, selon la volonté de l’étudiant. Des fonctionnaires aussi demandent des modules de formation et nous leur faisons cette formation qui rassure-t-il n’est pas diplômante, car certains élèves ne savent ni lire ni écrire, mais on se débrouille pour satisfaire tous le monde.
Le webcam un plus dans la popularité du cyber
La clientèle du soir présente une particularité par rapport a celle de la journée, en ce sens qu’elle est féminine et avec elle, les heures de connections sont plus importantes, souligne El hadj. Cette clientèle hors du commun est en majorité composer de dames mariées. Cette clientèle très exigeante m’a poussé à équiper mon cyber de casque d’écoute et de webcam et de tous les accessoires pour une bonne communication. Elles sont en majorité des épouses de « modou modou » en train de chercher fortune en Europe, abandonnant mère, épouses et enfants.
Nous avons côtoyé l’une d’elle que nous appellerons Mame Faty. « Je viens me connecter, parce que je vis avec ma belle famille. La vieille ne me parle pas et quand mon mari appelle à la maison, personne ne me le passe au téléphone et je sais qu’il demande après moi, je sais que, bien que n’étant pas parent, il m’aime bien et c’est a travers le téléphone de mon amie Diarra que je lui parlais. C’est ainsi que mon amie m’a informée de la possibilité de communiquer avec mon mari en le voyant à l’écran. Je n’y croyais pas et j’en ai parlé avec mon époux qui s’est réjoui de ma trouvaille et m’a envoyé par la suite une adresse électronique. C’est cela qui fait qu’à présent j’ai réalisé mon rêve et deux soirs sur trois je viens au cyber pour le regarder et lui parler tout en me faisant belle. Je ne veux pas paraître mal fagoter, me lance-t-elle et je veux qu’il pense à moi et qu’il revienne dés que possible car il me manque beaucoup. J’apprécie beaucoup le cyber car ça me change de l’atmosphère de la maison, mais mon mari est jaloux et promet de m’acheter un ordinateur portable ainsi je resterai à la maison. Il est 18 heures. C’est bientôt l’heure du rendez-vous avec son homme sur le net, elle prend place, se rajuste, se refait une petite beauté qu’illuminent des dents blanches. Une fois la connexion établie, tout y passe : clins d’œil, rires aux éclats, sourires et même, révèle Teuf, s’il y’a moins de monde, une démarche langoureuse que demandent les émigrés. El hadji passe souvent d’un client à l’autre pour régler les caprices des machines ou de quelques casques défectueux. Et de nous informer que cette vague d’internautes sont aussi des élèves qu’il est sûr de perdre à 80% au retour de leurs maris qui viendront avec des ordinateurs portables pour leur bien aimée qui désormais vont se connecter à domicile. La manipulation de l’outil informatique, au delà des possibilités qu’elle offre, constitue à Touba une attraction et un engouement auprès de toutes les classes d’âge, même auprès des analphabètes. En dépit de leur manque d’éducation.
Une formalisation de l’enseignement des technologies de l’informatique est d’une impérieuse nécessité pour les populations de la cité religieuse. Une forte demande est en attente d’une offre de formation qualitative, pour mieux coller à l’actualité d’un millénaire où celui qui ne sait manipuler l’outil informatique est une personne en retard sur son temps.
Auteur: Mamadou DIEYE
Source : Lesoleil.sn
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