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Télécoms au Sénégal : La réforme s’impose !

par | 20 Sep 2010 | Actualités | 0 commentaires

antenneLe contrat de global voice a été annulé pour non appel à concurrence par l’armp et le gouvernement semble-t-il a retiré le décret tant décrié, Sen 24heures a pu décrocher pour ses lecteurs, une réflexion importante pour éclairer la lenteur des sénégalais.
Voici en exclusivité cet éclairage de sénégalais experts en télécoms
Devant l’explosion des télécommunications dans le monde, le Sénégal reste dominé par le monopole de la Sonatel, société à capitaux mixtes à hauteur de 33.3% pour France Télécom et 66.7% pour l’Etat sénégalais. L’actuel gouvernement a hérité d’une situation très mal gérée par son prédécesseur qui a voulu privatiser sans aucune transparence dans les conditions que tout le monde déplore aujourd’hui. Dans cet exposé, nous laisserons aux politiques la tâche de dire comment on en est arrivé là. Notre but est de faire un diagnostic et proposer des solutions.

Sonatel empêche la véritable concurrence

La Sonatel possède la totalité du réseau téléphonique fixe du Sénégal. De par sa nature de société d’Etat dans le passé, elle fut responsable de la mise en place du réseau téléphonique fixe du pays. Mais ce rôle de service public n’a pas survécu la privatisation. En se partageant les investissements de la Sonatel, l’Etat et France Télécom héritent de la totalité du réseau. Cependant la Sonatel, même privatisée, garde une position dominante dans le marché. Elle impose les règles, les prix et l’accès au réseau téléphonique national et international.

Pour accéder au réseau national depuis l’étranger, la Sonatel est un passage obligé pour les abonnés des différents opérateurs téléphoniques au Sénégal. Son héritage lui donne possession des centraux d’échanges téléphoniques internationaux du Sénégal. Ce manque de diversité dans le choix des opérateurs force les Sénégalais à utiliser la Sonatel quel qu’en soient le prix et la qualité des services. Elle a le monopole et ne peut pas faire face à ses obligations car se faire installer un téléphone fixe au pays relève parfois du parcours du combattant sauf si on a les “bras longs”. Problème de logistique ou volonté affichée de limiter le réseau fixe beaucoup plus coûteux à installer ? La Sonatel ne nous dira jamais.

Le réseau Internet qui est fixe par nature, est aussi sous sa mainmise. Cela a d’ailleurs retardé l’introduction de l’Internet au Sénégal. Ce n’est qu’en 1996 que la Sonatel s’intéresse à l’Internet pour enfin en ouvrir l’accès aux Sénégalais. Pourtant, de 1989 à 1995, de grandes sociétés installées au pays utilisaient déjà les moyens du bord pour accéder au monde en utilisant des méthodes d’encapsulation IP (Internet Protocol). Seule maîtresse des voies d’accès aux autoroutes de l’information, la Sonatel dispose là encore d’un autre outil pour s’imposer.

A côté du réseau fixe, se développe un réseau cellulaire sur la bande des 900 MHZ GSM que se partagent la Sonatel et la Sentel. La loi 96-03 qui réglemente les télécoms sénégalais donne à la Sonatel l’exclusivité des appels cellulaires internationaux et les bénéfices juteux du « roaming » international. Pour ce qui est du téléphone cellulaire, un abonné de la Sentel dépendra forcément de la bonne volonté de la Sonatel pour passer ses communications. Pour mieux faire comprendre le problème posé par ce monopole, nous utiliserons des exemples concrets du quotidien d’un opérateur de téléphone cellulaire. Nous utiliserons les exemples deux abonnés cellulaires Samba et Demba.

Premier cas : Samba et Demba habitent Dakar. Ils ont chacun un téléphone cellulaire et sont tous deux abonnés de la Sentel. Samba utilise son cellulaire et appelle Demba sur son cellulaire. On suppose que l’appel est local puisque Samba et Demba sont à Dakar au moment de l’appel. Dans ce cas particulier, l’appel téléphonique se passe totalement dans les ondes et la Sentel perçoit tous les bénéfices. Elle n’a pas utilisé le réseau de la Sonatel. Elle a ses propres tours et antennes téléphoniques qui lui permettent d’assurer l’appel de Samba vers Demba.

Deuxième cas : Samba et Demba sont toujours abonnés de la Sentel. Mais cette fois-ci, Samba est à Dakar et Demba est à Kaolack. L’appel, par conséquent, n’est plus un appel local mais un appel “longue distance”. Les antennes de la Sentel ne rayonnent pas jusqu’à Kaolack. Elle est donc obligée d’emprunter le réseau fixe de la Sonatel pour acheminer l’appel jusqu’à Kaolack avant d’utiliser sur place ses propres ondes pour joindre Demba. Elle doit payer à la Sonatel le parcours téléphonique de Dakar à Kaolack. La Sonatel perçoit une bonne partie du revenu de cet appel. En tant que propriétaire du réseau fixe, la Sonatel impose son prix pour le parcours de Dakar à Kaolack.

Troisième cas : imaginons maintenant que Samba et Demba soient tous deux abonnés de la Sonatel. Tout comme dans le premier cas où Samba et Demba sont à Dakar, la Sonatel utilise son réseau cellulaire et contrôle le prix, l’accès et les ressources. La concurrence, dans ce cas, est honnête.

Quatrième cas : Samba et Demba sont toujours abonnés de la Sonatel. Samba qui est à Dakar appelle Demba à Kaolack. La situation est nettement à l’avantage de la Sonatel. L’appel est toujours considéré “longue distance” sauf que dans ce cas, la Sonatel utilise son propre réseau fixe pour acheminer l’appel à Kaolack avant de le délivrer par le biais des ondes. Dans ce cas la Sonatel utilise gratuitement le réseau fixe déjà amorti depuis la nuit des temps où elle était encore une société publique.

Les autres cas de figure de concurrence déloyale sont inscrits dans les réalités des appels téléphoniques qui sont à 90 % des appels du téléphone fixe à cellulaire ou de cellulaire à téléphone fixe et seulement 10% d’appels de cellulaire à cellulaire dans le meilleur des cas. Et là encore sur les appels fixe-cellulaire ou cellulaire-fixe la Sonatel perçoit une partie de la communication du fait que l’appel est originaire du réseau fixe ou destiné au réseau fixe.

Le prix des communications internationales au départ ou à l’arrivée du Sénégal demeure trop élevé

Le prix de la communication téléphonique constitue une autre arme redoutable. Mais, commençons d’abord par dissiper quelques mythes avant de parler de prix. La détermination du prix de la communication téléphonique relève d’un ensemble de critères qui échappent à la technique. Les ingénieurs délivrent un système et l’opérateur fixe son prix aux abonnés. Dans un marché concurrentiel, l’offre et la demande déterminent le prix du marché. Dans une situation de monopole, le prix est purement artificiel.

Puisque nous ne disposons pas des données locales pour évaluer le prix du téléphone local, nous examineront les détails d’une minute de téléphone international arrivant au Sénégal. Une chose est sure cependant, la Sonatel utilise les Sénégalais de l’Extérieur pour financer les baisses de prix à l’échelle nationale. Prenons, pour exemple, un appel téléphonique depuis les USA vers le Sénégal et à titre de comparaison, nous utiliserons la Gambie, enclavée à l’intérieur du Sénégal. La « Federal Communications Commission » (FCC) américaine est formelle, en matière de prix en direction du Sénégal : c’est la Sonatel qui impose les règles. Ce prix est basé sur une valeur de référence déclarée à la FCC. Cette valeur de référence détermine le prix à la minute que la Sonatel impose pour accepter de traiter un appel venant de l’étranger vers ses centraux téléphoniques qui sont au Sénégal. Cette valeur de référence est différente pour chaque pays (France, Italie, Gabon, Nigeria etc.). Ici, nous nous intéresserons seulement au cas américain. Au 1er Mars 2001, cette valeur de référence est fixée à $1,18/mn (826 FCFA/mn). En guise de comparaison, la valeur de référence imposée par l’opérateur gambien est fixée à $0,47/mn (329 FCFA/mn) soit moins que la moitié de la valeur imposée par la Sonatel. Les opérateurs étrangers prennent exactement la moitié du prix de la minute de communication qu’ils délivrent au Sénégal. Donc sur chaque minute d’appel en provenance des USA, la Sonatel touche 413 FCFA. Inversement, par la règle de la réciprocité, l’opérateur américain touche 413 FCFA pour chaque minute d’appel au départ du Sénégal vers l’Amérique. Ceci n’est pas très risqué pour la Sonatel car, en 1996 par exemple, les appels depuis l’Amérique ont excédé ceux au départ du Sénégal de 11.518.185 minutes (chiffres fournis par l’Union Internationale des Télécommunications). En valeur actuelle, les opérateurs américains verseraient près de 5 milliards de FCFA à la Sonatel pour terminer leurs appels. Il ne faut pas confondre la valeur de référence avec le prix de la minute de communication facturé. En effet, l’opérateur ajoute toujours une marge à ce prix. C’est ainsi qu’une minute d’appel téléphonique depuis les USA vers le Sénégal, au meilleur prix, coûte $1,58 (1106 FCA) et la même minute vers la Gambie coûte $0,71 (497 FCFA). Cette situation n’est pas saine pour les entreprises sénégalaises qui consomment un volume important d’appels téléphoniques vers l’étranger. Dans le cas des USA par exemple, les opérateurs américains rétorquent et facturent à la Sonatel 413 FCFA pour chaque minute d’appel qu’ils traitent pour la Sonatel qui, pour faire du bénéfice, ajoute une marge à ce prix. Il est donc légitime de se poser la question de savoir si les bénéfices ainsi amassés par la Sonatel valent les pertes des entreprises privées et publiques sénégalaises utilisatrices du téléphone.

Pour une véritable concurrence, une réforme s’impose !

Les solutions que nous proposons s’articulent autour de trois axes : La disparition du monopole de la Sonatel l’obligation contractuelle de la portabilité des numéros de téléphones fixes et mobiles. L’acquisition et l’installation de nouvelles technologies de télécommunications.

Casser le monopole de la Sonatel

Le premier volet de ces réformes passe par la suppression immédiate de la situation de monopole de la Sonatel au profit d’entités indépendantes les unes des autres. Une entité indépendante qui gère le téléphone fixe local. Une entité indépendante qui opère dans le cellulaire. Une entité indépendante qui s’occupe de “longue distance”. Toutes ces entités seraient indépendantes et soumises à la concurrence de telle sorte que la détermination des prix et l’accès au réseau soient équitables pour tous les concurrents. Dans une telle situation, la Sonatel et la Sentel paieraient le même prix pour acheminer leurs appels et la détermination du prix et des revenues qui en découlent dépendraient purement et simplement de l’agressivité des opérateurs et de leur habilité à comprendre leur marché et à créer une situation d’économie d’échelles. Ceci permettrait à tous les opérateurs de s’implanter au Sénégal sans avoir à se déplumer pour concurrencer la Sonatel.

Imposer la portabilité des numéros de téléphone

Le deuxième volet s’articule autour des nouvelles techniques qui permettent de garantir une concurrence saine entre les opérateurs. Dans un milieu concurrentiel, il est préférable de tout faire pour déjouer les astuces des opérateurs à limiter la volatilité des clients. Dans un environnement concurrentiel, l’abonné a le droit de changer d’opérateur téléphonique autant qu’il veut sans être pénalisé. En gros, c’est le rapport qualité/prix qui détermine la fidélité des abonnés. Dans le monde du téléphone, les opérateurs se partagent un ensemble de numéros de téléphone à distribuer à leurs abonnés. Ces numéros sont souvent différenciés par un code attribué à l’opérateur. C’est ainsi que les numéros cellulaires de la Sonatel commencent par 63 et ceux de la Sentel par 66 (variation possible). Un abonné mécontent de son opérateur devra changer de numéro de téléphone en s’abonnant chez le concurrent. Ce phénomène a tendance à fidéliser injustement les abonnés à un opérateur. Pour palier à cela, une intelligence (portabilité des numéros et des services) installée au niveau des centraux des signaux permet de changer d’opérateur sans avoir à changer de numéro de téléphone, cassant ainsi les barrières réglementaires favorisant le monopole. Pour asseoir une concurrence saine, le gouvernement devra obliger tous les acquéreurs de licence téléphonique au Sénégal à s’équiper de cette technologie.

Aller vers la fibre optique en intégrant le son, les données et l’image

Le troisième volet est celui de l’Internet et des nouvelles technologies. Le Sénégal en particulier, et les pays du tiers monde en général, doivent éviter de suivre le pas des pays développés en matière de technologie. Le Sénégal doit éviter que les pays européens installent, chez nous, une “technologie de pointe” déjà amortie chez eux depuis des années et qu’ils installent dans nos pays se servant ainsi de nos ressources pour financer l’acquisition de nouvelles technologies. On doit immédiatement acquérir la meilleure technologie du moment, se préservant ainsi de modifications ou de réarrangements souvent très coûteux. On doit s’orienter dès maintenant vers une technologie d’intégration de la voix, des données et de la vidéo sur fibre optique (n’ayons pas peur).

Créer une Haute autorité spécifique aux Télécoms Pour mettre en place cet ensemble de réformes, le gouvernement devra créer une haute autorité qui se chargera de veiller au respect strict des règles et accords entre les différentes sociétés ainsi créées.

A ce titre, l’organisation devra obligatoirement être uniquement composée d’éléments compétents en matière de télécommunications. Elle aura pour tâche de réglementer le téléphone au Sénégal car nous savons que le développement du pays dépend de beaucoup de notre présence dans le domaine des technologies nouvelles.

L’option actuelle du gouvernement qui consiste à mettre l’hydraulique et le téléphone sous la même autorité n’est pas viable. Les exigences et contraintes de ces deux technologies ainsi que les conditions de marché ne sont pas les mêmes.

Il faudra aussi penser à élargir le réseau téléphonique. On sait que si ce n’est pour des raisons de service public, aucun opérateur téléphonique ne se serait donné la peine d’investir dans les zones rurales où il n’y a pratiquement pas d’espoir de rentabilité.

Afin de régler ce problème épineux de couverture téléphonique des zones éloignées, la technologie du téléphone mobile-fixe a été développée. Cette technologie utilise les ondes radio dans les endroits reculés pour communiquer avec un central téléphonique local qui lui permet d’accéder au réseau national ou international.

La distance du central téléphonique à l’émetteur radio dépend de la technologie radio utilisée, mais un coût raisonnable pourrait prendre en compte une vingtaine de kilomètres. Cela veut dire, que les populations éloignées de 20 kms du central téléphonique peuvent avoir accès au téléphone sans faire parvenir un seul câble téléphonique chez eux. L’économie des moyens réalisée dans ce cas est très importante. Cet aspect économique fait de cette technologie un bon candidat pour les pays en voie de développement.

Le déploiement de cette technologie au Sénégal ouvrirait éventuellement d’autres marchés téléphoniques où des Sociétés spécialisées pourraient bien piloter des expériences soutenues par l’Etat ou les organismes internationaux.

Pour finir, rappelons que le gouvernement de l’alternance a osé mettre en cause les privatisations de la Sentel et de la Senelec. Nous pouvons espérer qu’il sera également motivé pour obliger la Sonatel à se plier immédiatement aux règles de la concurrence. Le sort final des télécoms sénégalais dépendra de l’attitude des sénégalais mais aussi des autres entreprises dont les plans développement sont menacés par le monopole de la Sonatel. Et que le meilleur gagne.

Groupe de réflexion : Initiatives Citoyennes
E-mail : [email protected]

Nb : Cet article avait été publié en 2001, certaines données peuvent avoir changé

Source : Sen24heures, 18 septembre 2010

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