Sans une réduction de la fracture scientifique et numérique, point de développement durable pour l’Afrique. Cette conviction, le Pr Papa Ibra Samb, ancien recteur de l’Université de Thiès, est parvenu à la faire partager à l’ensemble des personnalités scientifiques et politiques réunies, du 11 au 12 novembre, à l’Université de Luxembourg.
L’Afrique est une des grandes consommatrices des découvertes scientifiques, mais paradoxalement très peu d’inventions ont pour auteurs des fils du continent. Ce qui explique quelque part le retard économique du continent et sa forte dépendance vis-à-vis des pays du Nord dans presque tous les domaines de la vie. Telle est la principale leçon à tirer de la conférence qui a réuni, du 11 au 12 novembre dernier, des personnalités scientifiques et politiques triées sur le volet à travers le monde entier à l’Université de Luxembourg sur invitation l’Agence de coopération Afrique-Luxembourg sur le thème : ‘Evolution scientifique de l’Afrique dans un contexte de développement durable’. A cette occasion, le Professeur Papa Ibra Samb, spécialiste de la biologie végétale, a fait une communication axée sur : ‘La science, un levier incontournable pour le développement durable en Afrique’.
Selon l’ancien recteur de l’Université de Thiès, ‘dans le contexte de la récession financière actuelle, l’Afrique qui représente 1/10 de la population de la planète, cherche encore sa voie pour assurer son développement en dépit des politiques d’aide, d’annulation de la dette et d’ajustement structurel et économique’. D’où, selon lui, la pertinence du thème de la conférence. En effet, de l’avis du Professeur Papa Ibra Samb, ‘le fossé entre le Nord et le Sud est surtout scientifique’. Il est, en effet, convaincu que ‘seuls les savoirs, savoir-faire et compétences fondés sur la science peuvent tirer l’Afrique de sa pauvreté, à condition que cette science ‘colle’, intégralement et en permanence, à toutes les composantes du concept de développement durable’. Sans quoi, dit-il, l’Afrique n’a aucune chance d’être au rendez-vous des Omd. ‘Au regard des huit objectifs principaux des Omd, la plupart ne pourraient être pris en charge sans une appropriation de la science par les Africains qui continuent à subir des politiques pour la plupart exogènes’, indique-t-il. Cela d’autant plus que, selon le Pr Samb, l’Afrique fait face actuellement à toutes sortes de fractures qui sont agricole, scientifique, numérique et technologique.
Aux yeux du spécialiste en biologie végétale, la fracture agricole se manifeste par une absence de maîtrise de la biodiversité et de la gestion des ressources phytogénétiques, l’érosion continue du patrimoine génétique, des espèces et semences sans contrôle, des risques de divers ordres, une situation de consommation sans prise réelle sur les produits importés. La fracture scientifique, quant à elle, se traduit par l’absence de grands laboratoires, d’instituts de recherche avancés, l’inexistence de recherches universitaire de pointe notamment en mécanique, sidérurgie, nucléaire, génétique, solaire, aérospatiale, télédétection, etc., excepté dans un pays comme l’Afrique du Sud et dans ceux d’Afrique du Nord. Tandis que le gap technologique maintient l’ensemble du continent africain dans une situation de dépendance vis-à-vis des pays du Nord. ‘Dans une pareille posture, la réduction des inégalités passe inexorablement par une réduction du fossé entre le Nord et le Sud en matière de fracture scientifique et numérique’, a-t-il soutenu avec force conviction devant un parterre de scientifiques du monde entier.
Le Pr Papa Ibra Samb a également formulé quelques propositions. Il s’agit, entre autres, d’une intégration régionale de la recherche à l’image du Nepad, la création d’une organisation scientifique proactive à l’échelle de l’Union africaine, des organisations régionales et au niveau des Etats. ‘Ce processus inclusif doit se faire à partir de nos propres valeurs et savoir-faire traditionnels. Nous devons aussi avoir une bonne stratégie qui assure une veille permanente sur les avancées technologiques et les innovations scientifiques’, explique l’ancien directeur de l’Ensa de Thiès. ‘La volonté politique, elle, est indispensable, car il y a un coût pour la mise en place de laboratoires, de centres de recherche compétitifs à l’international et pour une intervention efficace de la diaspora’, note-t-il. ‘L’Afrique peut compter sur sa diaspora, plus ses amis dans cette approche. Pour cela, elle doit cependant croire en elle-même. Ni l’aide alimentaire, ni les annulations de dettes ne permettront un développement durable de l’Afrique. Pour nous, le rebond de l’Afrique ou le ‘beau temps de l’Afrique’ sera scientifique pour l’impulsion d’un développement durable’, a-t-il déclaré en guise de conclusion à sa communication.
Mamadou Sarr
(Source : Wal Fadjri, 23 novembre 2010) via Osiris.sn
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